L'année 2024 a vu une décrue des prix de l'électricité à un niveau proche de leurs niveaux avant la crise. Pourtant l'année 2024 ne ressemble pas à l'année 2019, et semble au contraire marquer le départ une nouvelle ère. Passons en revue les principaux apprentissages de l'année passée.

1. Explosion de la volatilité quotidienne des prix de l'électricité

Le prix “spot” moyen de l’électricité en 2024 s’établit à 57€/MWh, après 97€/MWh en 2023 et 276€/MWh en 2022. La forte décrue des prix après la crise a bien eu lieu : on retrouve un niveau “normal” des prix, qui reste ~45% plus élevé que les prix de 2019 (39€/MWh).

Mais l’évolution horaire des prix spot de l’électricité en 2024 ne ressemble en rien à l’année 2019, comme on le voit sur le graphique ci-dessous.

Le niveau moyen des prix est certes retombé, mais la volatilité quotidienne des prix a explosé : la courbe verte oscille avec une grande amplitude chaque jour, avec des prix élevés lors des pics de consommation (le matin et le soir), et des prix bas au milieu de la nuit et au milieu de la journée. En 2019, les oscillations de la courbe autour du prix moyen n’étaient pas très marquées.

Une métrique permet de capturer ce changement, le “spread quotidien”, que nous définissons comme l’écart entre le prix minimum et le prix maximum de chaque journée. Il atteint 76€/MWh, soit trois fois son niveau de 2019 (27€/MWh).

En d’autres termes, même si le prix moyen s’est calmé, les variations quotidiennes du prix explosent. Le spread quotidien représente environ 1.4x le prix moyen en 2024, alors que ce ratio n’était que de 0.7 en 2019. Ce phénomène ne représente pas une anomalie transitoire, mais bien le début d’une nouvelle ère : la hausse de la part des énergies renouvelables dans le mix électrique, en France et en Europe, va se traduire par une volatilité quotidienne

Les entreprises ont donc un intérêt de plus en plus fort à déplacer leur consommation vers les heures où les prix sont bas. Le stockage d’énergie par batterie devient ainsi un pillier stratégique pour les industriels électro-intensifs qui sont directement exposés à la variabilité horaire des prix spot de l’électricité (voir notre article dédié à ce sujet). Les entreprises disposant de contrats heures pleines / heures creuses sont aussi concernées, puisque la différence tarif entre les heures pleines et les heures creuses est amenée à augmenter dans les prochaines années, d’autant plus que heures creuses seront redéfinies à partir de 2025 pour mieux correspondre aux heures de faible consommation sur le réseau.

2. La multiplication des heures à prix négatifs : la face visible d’un phénomène de prix bas généralisé

Autre symptôme frappant de cette nouvelle ère : la multiplication des heures à prix négatifs ou nuls. Longtemps considérés comme anecdotiques, ces prix bas se sont massivement répandus en 2024, au point d’atteindre près de 550 heures à 0 €/MWh ou en dessous, contre moins de 20 heures en 2019 et moins de 200 heures en 2023.

Cette explosion est liée au déploiement rapide des énergies renouvelables — éolien et solaire en tête — dont la production variable peut provoquer des pics d’injection sur le réseau à certains moments. Cette surproduction pousse fréquemment les prix spot en territoire négatif ou quasiment nuls, un phénomène de plus en plus problématique, pour lequel la Commission de Régulation de l’Energie a récemment tiré la sonnette d’alarme.

Cette situation, bien que préoccupante pour certains acteurs, crée simultanément des opportunités massives pour rémunérer les acteurs de la flexibilité, en premier lieu le stockage d’électricité par batteries. En 2024, le prix spot de l’électricité est descendu sous la barre des 15€/MWh un jour sur deux, ce qui constitue une formidable opportunité de charger une batterie à moindre coût !

3. La réserve secondaire : un marché très rémunérateur depuis juin 2024

La réserve secondaire (ou aFRR pour Automatic Frequency Restoration Reserve) constitue une réserve de flexibilité qui permet de stabiliser la fréquence du réseau sur de courte durée (quelques minutes voire quelques heures). Depuis juin 2024, les enchères de capacité de la réserve secondaire sont ouvertes à tous les acteurs de marché selon un prix fixé par la loi de l’offre de la demande, alors que ce marché était auparavant réservé à un nombre limité d’acteur selon un tarif régulé.

Suite à ce changement, les tarifs de capacité ont atteint des niveaux nettement supérieurs à ceux pratiqués sous l’ancien régime. A fin 2024, le prix moyen de la capacité a ainsi été multiplié par trois par rapport à la situation antérieure (65€/MW/h vs. 22€/MW/h), faisant de l’aFRR un levier de revenus particulièrement intéressant pour les installations capables de fournir rapidement de la puissance, comme les batteries.

L’arrivée de nombreux actifs sur ce marché dans les prochaines années va conduire à une modération de ces tarifs. Mais l’aFRR reste une opportunité pour les acteurs du stockage d’énergie d’obtenir un retour sur investissement rapide pour leurs projets, pour les batteries déployées à court terme.

Conclusion : la flexibilité, grande gagnante de l'année 2024

La « normalisation » espérée des prix de l’énergie n’a pas eu lieu, et 2024 marque en fait le début d’une nouvelle ère, marquée par des prix moyen relativement bas, mais une très forte volatilité des prix au sein de chaque journée. L’abondance des prix bas voire négatifs sont devenues la nouvelle norme. Les leviers de flexibilité, le stockage d’énergie par batterie en particulier, s’imposent comme un actif d’avenir dans la stratégie énergétique des entreprises.

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